Les terrains de basketball, d’ordinaire synonymes de passion et de jeu, cachent parfois une réalité moins reluisante : celle des incivilités subies par les arbitres, régulièrement pris pour cible lors des matchs. Avec « Ceci n’est pas une Coupe du Monde », Lucas Diquelou et l’équipe de Refereetime ont choisi de mettre en lumière cet enjeu brûlant à travers une bande dessinée qui, au-delà du sport, appelle à la réflexion sur le respect et le rôle essentiel des arbitres. Dans un entretien exclusif, Lucas Diquelou nous parle de cette initiative artistique et engagée, de sa conception et de ses objectifs.
Pour commencer, peux-tu nous parler un peu de toi et de ton parcours ? Où es-tu licencié ? A quel niveau arbitres-tu en 5X5 et 3×3 ?
Je m’appelle Lucas DIQUELOU et j’ai 25 ans. Cela fait déjà 10 ans que j’arbitre, et je dois dire que le temps passe très vite. Je suis licencié au BAC Vincennes, dans le Val-de-Marne, et cette saison, j’officie en National 1 Masculine ainsi qu’en Boulangère Wonderligue.
En plus de cela, je suis également formateur d’arbitres, quel que soit leur niveau. J’ai toujours eu à cœur de partager mon expérience et d’aider les futurs arbitres à progresser. À côté de mon activité d’arbitre, je travaille à la Fédération Française de Basketball en tant que Chargé de Mission Administration, Formation et Promotion des Officiels, un rôle qui me permet d’œuvrer au développement et à la valorisation des arbitres.
Enfin, sur le terrain du 3×3, je suis Ref’Élite depuis quelques années. C’est un format très dynamique et exigeant que j’apprécie particulièrement, et j’y prends du plaisir à chaque match.
Comment as-tu eu l’idée de créer une bande dessinée autour du thème de l’arbitrage ? Y a-t-il eu un déclic ou une expérience particulière ?
Le déclic est venu lorsque j’ai réalisé qu’un grand nombre de jeunes arbitres arrêtait l’arbitrage peu de temps après avoir commencé. Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas cela, mais ils sont confrontés à de plus en plus d’incivilités, que ce soit autour des terrains ou sur le terrain lui-même. Avec mon équipe, on a voulu dénoncer cette situation à travers une histoire basée sur des faits réels.
Lors d’une de nos discussions nocturnes – parce qu’il faut savoir que les meilleures idées de l’équipe naissent souvent la nuit (rires) – Nous nous sommes demandé comment on pourrait sensibiliser le public à cette problématique. C’est là qu’on a eu l’idée de créer une bande dessinée, même si, honnêtement, aucun d’entre nous ne savait dessiner !
« Ceci n’est pas la Coupe du monde » met en avant les incivilités sur les terrains et le rôle des arbitres. Pourquoi as-tu choisi d’aborder ces problématiques à travers le format de la BD ?
Le format BD nous a semblé être une excellente idée, car c’est un support qui n’avait jamais vraiment été utilisé pour traiter ce sujet. On voyait déjà beaucoup d’actions de sensibilisation à travers les réseaux sociaux, des flyers, et autres outils de communication classiques. Mais la BD, c’était quelque chose de nouveau.
Ce format permet aussi une accessibilité plus large, notamment pour les jeunes de moins de 10 ans qui, en principe, n’ont pas accès aux réseaux sociaux – je dis bien “normalement” (rires). Par contre, ils savent tous lire ou, à défaut, comprendre une histoire à travers des images. C’était l’un de nos objectifs : toucher cette tranche d’âge qui peux être exposée aux incivilités sur les terrains, directement ou indirectement.
Et puis, si certains lecteurs se sentent inspirés par le livre et envisagent de devenir arbitres, ce serait une vraie victoire pour nous !
Combien de personnes ont été impliquées dans ce projet ? As-tu des remerciements particuliers pour certaines personnes ou partenaires qui ont œuvré avec toi sur cette initiative ?
Beaucoup de personnes sont impliquées dans ce projet, et je tiens vraiment à les remercier. D’abord, un grand merci à notre dessinateur, Gilles, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Comme je le dis souvent, personne dans l’équipe ne sait dessiner (rires), donc son rôle a été absolument crucial.
Je veux aussi remercier ma femme, Salia, et mon meilleur ami, Adem, qui m’ont soutenu dès le départ. Ensuite, il y a toute une équipe formidable derrière ce projet : Louise, Laurine, Manon, Pauline, Maxence, Rayane, Romain, Mattéo, Camille… Ce sont des personnes extraordinaires qui donnent de leur temps pour faire évoluer l’arbitrage et changer les mentalités autour de cette activité.
Le plus impressionnant dans tout cela, c’est que beaucoup de ces personnes ne sont même pas arbitres ! Cela rend leur engagement encore plus fort à mes yeux. Certaines d’entre elles ne peuvent plus participer activement au projet aujourd’hui, mais je reste extrêmement reconnaissant d’avoir croisé leur chemin et d’avoir pu compter sur leur soutien.
Ta BD a été récompensée par le Trophée de la meilleure initiative locale Basket remis par La Poste. Qu’as-tu ressenti en recevant cette distinction ? En quoi ce prix est-il important pour la promotion de l’arbitrage ?
J’ai ressenti beaucoup de fierté, c’était vraiment un bon moment. Être en présence de personnalités qui œuvrent quotidiennement pour faire évoluer et améliorer l’arbitrage, c’est toujours enrichissant. Cela montre que l’on fait partie d’une grande communauté où chacun, à son niveau, contribue à l’avenir de notre activité.
Ce genre de moments permet aussi de mesurer le chemin parcouru et de se rendre compte qu’on avance tous ensemble dans la même direction, avec des objectifs communs : améliorer les conditions de l’arbitrage, sensibiliser aux bonnes pratiques, et surtout, faire évoluer les mentalités autour de cette activité cruciale dans le sport. C’est toujours un privilège de pouvoir échanger avec des gens qui partagent cette passion et cet engagement.
As-tu eu des retours particuliers de lecteurs ou d’acteurs du basket depuis la sortie de ta BD ? Des anecdotes marquantes à partager ?
Les retours des lecteurs ont été très positifs, et c’est vraiment encourageant. Beaucoup s’identifient à Hugo, le personnage principal, et ressentent de la peine pour lui, ce qui était exactement notre objectif. Nous voulions créer de l’empathie autour du personnage, et c’est super de voir que cela fonctionne. Le scénario est basé sur des faits réels et reste assez simple, ce qui, je pense, aide les gens à se reconnaître dans l’histoire et à comprendre les défis que vivent les arbitres au quotidien.
Pour l’anecdote, un parent lecteur, qui avait tendance à beaucoup râler sur les arbitres à chaque match de son enfant, m’a confié qu’il ne le fait plus du tout depuis qu’il a lu la BD ! Il m’a même dit qu’il s’était senti un peu coupable après avoir vu ce que vivent réellement les arbitres au quotidien. C’est cool de voir que notre livre peut avoir cet impact et, honnêtement, si ça peut amener plus de gens à comprendre le rôle difficile des arbitres, on aura tout gagné !
Quels sont tes prochains projets ? Envisages-tu de continuer à créer autour de l’arbitrage ou d’explorer d’autres thèmes ?
Un nouveau projet de bande dessinée est en cours et devrait sortir en décembre. Le titre sera “Le Courage d’Arbitrer”, et cette fois, il traitera de la misogynie dans l’arbitrage. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, car malheureusement, on constate que cela se manifeste de plus en plus, que ce soit sur les terrains ou dans la société en général.
J’espère que ce projet marquera le début d’une longue série de BD, car il y a encore beaucoup de thèmes à aborder dans l’univers de l’arbitrage. Cela dit, cela demande beaucoup de temps et d’investissement, mais je suis convaincu que c’est un moyen efficace pour sensibiliser et faire évoluer les mentalités autour de cette activité.
Pour conclure, quel message aimerais-tu faire passer à travers « Ceci n’est pas la Coupe du monde », autant aux joueurs, qu’aux supporters et arbitres ?
Le message à faire passer aux acteurs sur le terrain, c’est qu’il faut arrêter de penser que l’arbitre ne se trompe jamais. On est constamment en remise en question, et c’est un rôle complexe dont le sport a besoin. Tout le monde veut des arbitres, mais beaucoup passent leur temps à les critiquer, souvent sans pouvoir faire mieux que ceux qu’ils jugent. C’est important de comprendre que l’arbitrage n’est pas facile, et que l’erreur fait partie du jeu.
À travers « Ceci n’est pas une Coupe du Monde », Lucas Diquelou et l’équipe de Refereetime offrent une œuvre à la fois divertissante et engagée, qui aborde avec justesse un sujet souvent méconnu : les incivilités subies par les arbitres sur les terrains de sport. Cette bande dessinée est bien plus qu’un simple récit illustré ; elle est une invitation à réfléchir, à respecter, et à reconnaître l’importance du rôle de l’arbitre. Pour ceux qui souhaitent découvrir cette création unique, elle est désormais disponible sur le FFBB Store.
Merci à Lucas d’avoir pris le temps de partager avec nous les coulisses de ce projet ambitieux et porteur de valeurs essentielles.